Baisse des prix de l’électricité au 1er février 2025 : entre illusion et réalité d’une crise structurelle
Au 1er février 2025, une baisse d’environ 14 % des tarifs de l’électricité est annoncée en France. À première vue, cette nouvelle semble être une bouffée d’air pour les consommateurs, accablés depuis plusieurs années par des hausses incessantes des prix de l’énergie. Pourtant, derrière cet effet d’annonce, la situation est bien plus complexe. Pourquoi parle-t-on alors d’une hausse structurelle du prix de l’électricité ? Et surtout, quel est le rôle de l’ARENH dans cette équation ? Plongeons ensemble dans cette problématique pour mieux comprendre les enjeux économiques et politiques sous-jacents.
1/6/20254 min temps de lecture
Des prix en baisse… mais sur fond de hausse historique
Il est essentiel de distinguer deux types de prix dans le secteur de l’électricité en France :
Le prix de gros, qui reflète le coût réel de l’électricité sur les marchés.
Le prix réglementé, fixé par l’État pour protéger les ménages des fluctuations trop brutales.
Depuis 2020, le prix de gros de l’électricité a connu une envolée spectaculaire, passant de 30 €/MWh à des sommets inédits pendant la crise énergétique déclenchée par la guerre en Ukraine et la rupture des approvisionnements en gaz russe. Bien que ce prix semble se stabiliser autour de 100 €/MWh début 2025, il reste bien supérieur aux niveaux d’avant-crise.
Quant au prix au détail, il a augmenté de 80 % en moyenne depuis 2020, une hausse que les Français ressentent durement sur leur facture. Et pourtant, sans les dispositifs de régulation mis en place, cette augmentation aurait été encore plus vertigineuse.
L’ARENH : un mécanisme controversé mais indispensable
Pour limiter les répercussions de cette flambée des prix sur les particuliers, la France a mis en place l’ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique). Ce dispositif impose à EDF de vendre une partie de sa production nucléaire (jusqu’à 100 TWh par an) à des tarifs fixes, à 42 €/MWh, bien en deçà des prix de marché. L’objectif est de maintenir des prix stables pour les ménages.
Cependant, ce mécanisme est décrié pour plusieurs raisons :
EDF doit vendre à perte à des fournisseurs dits "concurrents", qui se contentent souvent de revendre cette électricité sans réelle valeur ajoutée.
Cette obligation, dictée par l’Union européenne dans un souci de libéralisation du marché, morcelle le secteur énergétique en une mosaïque inefficace et coûteuse.
Si l’ARENH venait à disparaître aujourd’hui, les consommateurs français paieraient leur électricité bien plus cher, autour de 60-70 €/MWh. Il est donc à la fois critiqué et indispensable dans la configuration actuelle.
Un avenir énergétique sous haute tension
Malgré l’annonce d’une baisse ponctuelle des tarifs, les perspectives à moyen et long terme sont peu encourageantes pour les prix de l’électricité en France. Deux grands défis structurels pèsent lourdement sur le secteur.
1. Des investissements massifs nécessaires pour moderniser le réseau
L’Union européenne s’est fixé des objectifs ambitieux d’ici 2030 :
42,5 % de la production énergétique issue de sources renouvelables.
Réduction de 30 % de la consommation énergétique globale.
Ces transitions nécessitent des investissements colossaux pour adapter le réseau de distribution électrique, estimés à 1,3 trillion d’euros dans la zone euro d’ici 2030. Or, la plupart des pays européens, en proie à des déficits budgétaires croissants, peinent à financer ces transformations.
En France, la modernisation du réseau, combinée à la hausse des taxes pour soutenir cette transition, se traduit mécaniquement par une augmentation des charges fixes et, in fine, des prix pour les consommateurs.
2. La baisse de la consommation : un paradoxe coûteux
En voulant réduire la consommation d’électricité, on fragilise l’équilibre économique du secteur. L’industrie électrique repose sur des coûts fixes très élevés : centrales nucléaires, éoliennes, panneaux solaires ou infrastructures de distribution. Moins ces infrastructures sont utilisées, plus leur amortissement par kilowattheure devient coûteux.
Ainsi, bien que la consommation d’électricité en Europe diminue, notamment en raison de la désindustrialisation, les prix continuent d’augmenter. Les grandes industries électro-intensives, comme les usines, quittent l’Europe pour des zones où l’énergie est moins chère, amplifiant ce cercle vicieux.
Le modèle texan : une alternative ?
Face aux défis européens, certains experts pointent le Texas comme un modèle inspirant. Cet État américain, pourtant connu pour son pétrole, est aujourd’hui le plus gros producteur d’énergie éolienne des États-Unis. Comment ? En adoptant une approche pragmatique :
Attirer des industries avec une énergie bon marché pour financer les infrastructures.
Développer des fermes de puissance qui consomment l’excédent d’électricité produit, maximisant ainsi l’utilisation des infrastructures.
Résultat : le Texas combine une forte croissance économique (+7 % en 2023) et des prix d’électricité parmi les plus bas des États-Unis. Ce modèle repose sur une logique inverse de celle de l’Union européenne : au lieu de chercher à réduire la consommation, il s’agit d’augmenter les capacités de production tout en assurant une demande soutenue.
Transition énergétique ou transition de puissance ?
Au-delà des considérations techniques, la crise de l’électricité révèle une problématique plus profonde : celle de la puissance énergétique. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le problème n’est pas le manque d’énergie, mais plutôt l’insuffisance des capacités de transformation (centrales, réseaux, etc.). Investir dans des infrastructures performantes et maximiser leur utilisation est une priorité pour rendre l’énergie accessible et abordable.
En conclusion, la baisse de 14 % prévue en février 2025 ne doit pas masquer les défis structurels auxquels fait face la France. Tant que l’Union européenne persistera dans une approche dogmatique visant à réduire la consommation plutôt qu’à renforcer la production et la distribution, le prix de l’électricité continuera d’augmenter. Le véritable enjeu est donc de repenser la politique énergétique pour allier pragmatisme économique et transition écologique, sans sacrifier le pouvoir d’achat des citoyens.
